
















« L’opération même d’écrire, n’est-elle pas de mettre du noir sur du blanc ? »
Stéphane Mallarmé
Le noir est un élément omniprésent dans l’écriture de toutes les sociétés.
Utile à la communication et à la transmission, sacrée ou artistique, l’écriture par sa forme, signifie autant que par son seul contenu. Sur la page blanche ou sur les murs des rues, le noir de la typographie est caractère, signe entre les espaces, écriture ponctue à l’encre indélébile.
La calligraphie est associée à l’histoire de l’écriture avant et après l’utilisation de l’imprimerie.
Associée de fait, elle était jusqu’à la fin du Moyen Âge une activité des religieux, comme les calligraphies non-occidentales (chinoise, japonaise, arabe). La fabrication de l’encre et les recherches sur les noirs en font partie intégrante. Les artistes graffeurs en donnent aujourd’hui une vision urbaine et contemporaine.
Le geste confère au signe l’émotion, comme la police ajoute en quelque sorte son « caractère » au texte.
« Le noir possède l’infini des couleurs ; c’est la matrice de toutes… le noir est le révélateur premier de la lumière dans la matière. »
Huang Yuan
Parallèlement aux différents sens associés aux noirs, il existe une multitude de nuances de noirs : des noirs colorés, givrés, des noirs riches, brillants, mats, blanchis, presque bleus ou à la limite du grenat…
Même si le noir est parfois décrit comme achromatique ou sans teinte, il peut en pratique être considéré comme une couleur. En effet, si l’on considère la synthèse soustractive, le noir est obtenu par un mélange de pigments absorbant chacun une longueur d’onde, combinés de manière à toutes les absorber ; c’est bien une couleur obtenue par mélange.
Les noirs ont été les premiers pigments préparés par l’homme et la recherche du noir absolu continue d’être une préoccupation majeure des hommes, que ce soit dans les sciences ou dans l’art.
Depuis la première création de noir de charbon à partir de bois carbonisé, aux nanotubes de carbones verticaux - le matériau le plus sombre jamais crée par l’homme - la quête du noir ne s’est jamais arrêtée.
La mort est la première image associée au noir, celle des ténèbres, de l’absence de vie et de lumière. Les têtes de morts, les crânes, ont alimenté l’illustration de la vanité de la vie, le caractère transitoire de la vie humaine, la mort implacable, depuis le Moyen-Âge.
Dans le folklore occidental, la mort est souvent représentée par un squelette enveloppé d’une longue cape noire et armée d’une faux, figure froide et cruelle qui emporte les vivants.
A partir du XVème siècle, avec les vanités, les gravures de danses macabres et leurs squelettes grimaçants, l’homme tente d’apprivoiser l’insondable mystère du néant.
Par la suite, les arts décoratifs et les industries s’approprient l’imagerie de la mort, qui continue d’exister sous des formes décalées.
De nos jours, cette noire esthétique continue d’exister dans une réappropriation ludique de la symbolique funèbre. La tête de mort en particulier se décline de mille manières, œuvre d’art, joaillerie, tatouage et même dans la mode, en impressions sur les grenouillères des nouveau-nés, comme une façon tendrement cynique de leur souhaiter la bienvenue dans ce monde.
Tenues de grand deuil, appartements endeuillés de noir, art funéraire, musique funèbre, le grand requiem du noir s’est longtemps imposé et perdure encore dans certaines sociétés sous forme plus ou moins codifiée.
Il fut un temps où on ne souriait ni adressait la parole à une femme vêtue de grand deuil de peur de la compromettre. Il fut un temps où les nourrissons dont les mères étaient mortes en couche sortaient en public endeuillés, enveloppés de capes et de capuchons noirs.
La présence du noir du deuil, par tous les moyens d’expression, a été implacable au cours des XIXème et XXème siècles. Au début des années 1920 les femmes portant le deuil après la guerre sont nombreuses, et le noir devient ainsi un habit quotidien.
Les artistes se sont par la suite emparés de ces rites et les ont régénérés, redonnant de l’éclat au noir funeste.
« Le noir est mon refuge, le noir est un trait sur la page blanche. »
Yves Saint Laurent
Tous les couturiers ont créé en Noir, toutes les femmes portent du Noir.
La petite robe noire de Coco Chanel devient alors un symbole d’élégance et de raffinement. Toujours présent dans les collections des grands couturiers et dans la rue,
il est désormais indissociable d’un chic universel mais aussi de toutes les modes éphémères, grunge, minimalistes, monacales…
Le noir s’est également emparé des accessoires et des objets : c’est le noir de l’apparat, des lunettes noires, des limousines, des longs gants de Rita Hayworth et des nœuds papillon ; de la joaillerie, du mobilier, du cristal de Baccarat.
L’élégance du noir s’immisce là où on ne l’attend pas, parfois même dans la délicatesse d’un pneu tracteur. L’élégance du noir c’est aussi la finesse des traits et de profondeur du noir à l’instar des artifices de Camila Farina.
Peu à peu, le noir s’est infiltré dans l’univers intime, devenant un symbole érotisant.
Talons aiguilles et bas résilles, guêpières, tulles et dentelles, longtemps l’apanage de la lingerie fine des femmes de petite vertu, sont devenus les codes érotiques des femmes du monde.
C’est le Noir de la nuit, celui des zones obscures et cachées, des interdits, de l’imagination et du fantasme. Le vinyle et autres accessoires ont poussé le concept vers une symbolique jouant sur une tension sexuelle : noir des panoplies sadomasochistes, des sex-toys et du fétichisme. Ce noir oscille entre le tintamarre nocturne de la fête et la mélodie des soupirs.
Cultures mixtes, immigration, un parcours lié à l’histoire du pays.
Célébrer le noir, c’est revenir aux origines, c’est rendre hommage à des expressions, des métissages, des dates historiques, des musiques, des danses, une diversité physique, une pluralité esthétique... c’est le tango dont les premiers pas ont été initiés par les anciens esclaves.
« Pourquoi m’as-tu fait noire, Dieu ? Seigneur ! Pourquoi m’as-tu faite noire ?
Le noir est la couleur du linge sale, la couleur des mains et des pieds sales.
Le noir est la couleur de l’obscurité, des rues fatiguées et battues.
« Noir » est l’étiquette que les gent utilisent pour éloigner ceux qu’ils visent par ce mot.
Le noir est la couleur de l’ombre. »(et Dieu répondit :)
« Pourquoi t’ai-je faite noire ? Pourquoi t’ai-je faite noire ?
Je t’ai faite noire comme le charbon d’où sortent les beaux diamants.
Je t’ai faite noire comme le pétrole, l’or noir qui réchauffe les hommes.
Ta couleur est celle de la terre riche et foncée qui fait pousser les aliments dont tu as besoin.
Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel céleste se trouvent dans chaque nation ;
Quant toutes ces couleurs sont mélangées, TU DEVIENS MA PLUS GRANDE CRÉATION.
Tu es de la même couleur que le ciel de minuit ; j’ai mis de la poudre d’étoile dans tes yeux. »
Extrait de : Patricia Kaersenhout & Jeannette Ehlers, vidéo « The Image of Me »
« J’aime l’autorité du noir, c’est une couleur qui ne transige pas.
Une couleur violente qui incite pourtant a l’intériorisation. »
Pierre Soulages
L’autorité est souvent représentée par la couleur noire dans un système de symboles qui prévalent encore aujourd’hui.
Le noir confère à l’uniforme une autorité incontestable qu’il s’agisse des policiers, des curés, des rabbins, des arbitres…Représenté par les tenues des religieux ou de l’autorité, il fait également échos à l’austérité et à la rigueur.
L’autorité s’exprime aussi par la séduction transmise par un regard noir devant lequel on s’incline.
Le noir est la couleur emblématique de la rébellion.
Dans l’inconscient collectif c’est le noir du drapeau des pirates ; celui du jupon de Louise Michel, qu’elle brandit sur les barricades au bout d’un bâton et qui deviendra l’emblème de l’anarchie.
C’est aussi les rockers, les punks, les gothiques, tous habillés en noir, lèvres et ongles peints pour les uns, blousons de cuir et motos noires pour les autres, arborant ainsi les signes extérieurs de l’insoumission.
Chez Albert Watson la femme au foyer s’en empare, cuisse gainée et stiletto, pour s’ériger en femme-maîtresse, forme de rébellion contre le chemin qui lui est traditionnellement tracé.
La peur du noir n’est pas seulement une peur enfantine. Elle fonde les grandes terreurs de l’homme depuis la nuit des temps, elle suscite le besoin de feux dans les cavernes, de torches dans les villes du Moyen-Age, de lampadaires dans les rues des grandes métropoles.
Peur universelle de la nuit, du néant, du noir sans fin, de la solitude, peur du noir de ce monde inconnu qu’on imagine noir absolu. Peur adulte ou peur enfantine, ancrée dans la mémoire collective, que nous affrontons grâce au jeu, à la désacralisation, à l’objectivation de ce qui nous terrorise et qui en même temps nous fascine.
La peur du noir c’est, dans nos premiers souvenirs, celle de la séparation de la mère, à la nuit venue quand arrive l’heure du sommeil. C’est sans doute pour conjurer ces peurs noires que les enfants choisissent pour héros des figures dominant l’effrayante couleur (Darth Vader, la sorcière, Batman, Zorro…)
Cette séquence interroge notre vision de la peur propre à l’être humain, à l’obscurité qui enveloppe et cache certains agissements...
Dans la mythologie grecque, Nyx est la déesse et la personnification de la Nuit.
Nyx engendre Ether, la partie la plus brillante de la haute atmosphère et Héméra, le Jour. Pas d’ombre sans lumière, pas de crépuscule sans aube…
Des artistes de toutes les époques ont fait écho à ce jumelage en apparence contradictoire entre le très obscur et le très luminescent.
Notre vision de l’ombre et des autres est-elle tributaire de notre perception visuelle ? L’aveugle qui voit avec les yeux de l’esprit est-il plus voyant que le photographe ou l’artiste ? Evgen Bavcar, aveugle de naissance, a créé depuis trente ans une œuvre photographique « voyante » qui rend compte de ses mondes intérieurs.
Ombres et lumières ont inspiré de nombreuses œuvres qui portent toutes une part de mystère, onirisme et provocation.
Coming soon...
Coming soon...
Dans le poème Le bateau ivre, Rimbaud met le mot parfums en noir :
Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises !
Echouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums
Le langage poétique des parfums fait vagabonder l’imagination.
Chacun sait que la couleur noire n’a pas d’odeur et pourtant… si l’on se laisse aller à penser, le parfum du noir du deuil est composé de larmes salées, d’encens et de naphtaline, de chrysanthème, de poudre de marbre noir et d’un petit supplément d’ame…
Le parfum du noir de l’érotisme est capiteux pour les uns et tranchant pour les autres. Celui du luxe rappelle le cuir piqûre sellier du harnais noirs des alezans ; celui de l’autorité est un parfum froid comme la justice.
La société de créateurs de parfums et école de parfumeurs Givaudan a créé pour Caravana Negra six senteurs différentes : Ebony, Ink, Figue noire, Steam, Goudron et Goudron Vétiver, évoquant différentes séquences du parcours de notre Caravana Negra, tout en laissant à chacun la liberté d’association et d’interprétation de ces senteurs.
Après avoir découvert les senteurs exposés, nous vous proposons de leur attribuer une séquence et de confronter notre sensibilité à celle des grands créateurs parfumeurs.
Coming soon...
« Caravana Negra », vaste manifestation artistique, parcourt le monde et rend hommage à la couleur noire. Conçue par Stéphane Plassier, Caravana Negra a la légèreté des gestes nomades, elle donne au noir des sons, des couleurs et des saveurs, elle passe et met le noir en lumière.
Version Française« Caravana Negra » is a vast artistic exhibition that travels around the world paying tribute to black color. Created by Stéphane Plassier, Caravana Negra has the lightness of nomadic movements. It gives sounds, colors and fragrances to black. Caravana Negra passes by, and brings black to light.
English Version« Caravana Negra », vasta manifestación artística, recorre el mundo en homenaje al color negro. Una concepción de Stéphane Plassier, Caravana Negra tiene la ligereza de los gestos nómadas. La caravana, a su paso, confiere sonidos, colores y sabores, pone de relieve al color negro.
Versión EspañolaListe des galeries : Stéphane Plassier , stephane@caravana-negra.com Angela Massoni, angela@caravana-negra.com Aiko Cortés, aiko@caravana-negra.com Natacha Wolinski, natacha@caravana-negra.com LISAA Web / LISAA Design la FADU
L'équipe de création : Stéphane Plassier , stephane@caravana-negra.com Angela Massoni, angela@caravana-negra.com Aiko Cortés, aiko@caravana-negra.com Natacha Wolinski, natacha@caravana-negra.com LISAA Web / LISAA Design la FADU
Développement et Partenariat : Marcela Alvarez, marcela@caravana-negra.com
La Caravane sur Internet : - La Caravana Negra, raison d'espérer du décloisonnement artistique - "Why is black the new black?" - Jean-Michel Ribes, Frédéric Taddéi et Anne Hidalgo, à l'exposition Caravana Negra à Madrid